K. P. Moritz, Le concept d’achevé en soi et autres écrits (1785-1793)

K. P. Moritz, Le concept d’achevé en soi et autres écrits (1785-1793)

Karl Philipp Moritz (1756-1793) constitue un moment décisif dans la pensée de l’œuvre d’art. Contemporain de Kant, “leibnizien tardif”, “préromantique” en un sens, il occupe un lieu singulier. La présente édition s’attache à  faire découvrir ses essais majeurs (accompagnés d’autres écrits complémentaires), qui, dans le style de la “philosophie populaire”, proposent à  la réflexion divers objets appartenant aussi bien à  l’anthropologie philosophique qu’à  l'”esthétique”, laquelle n’est plus alors seulement une doctrine de la “faculté de connaissance inférieure”.

L’essai, à  la fois célèbre et méconnu, Sur le concept d’achevé en soi (1785), mais également le grand texte Sur l’imitation formatrice du beau (1788), fournissent les deux concepts éponymes qui portent cette théorie d’une absolue autonomie propre à  la forme artistique. Il ne s’agit plus de “perfection”, mais d’autotélie, et cependant il s’agit bien de la relation inventive que le beau et, bientôt, le sublime entretiennent avec la vérité. Dans le même temps, il est question du caractère historique et technique de l’art, déterminé par la tension nouvelle, ou la contiguïté, des objets utiles et in-utiles. Le cerle achevé en soi-même de l’œuvre d’art expose la structure du “plus réel” et du plus “indépendant” : il en découle une critique du signe conçu comme instrument pour dire ou représenter un signifié (un contenu) – critique violente qui met à  l’épreuve la force transhistorique de ce qui va s’appeler, à  la toute fin du siècle, symbole : l’unité radicale du fond et de la forme, en tant qu’elle produirait un “signe pur” doué d’une transparence hyperbolique.

Philippe Beck met en évidence le rôle que joue ce maillon trop oublié dans la chaîne qui conduit à  la philosophie de l’art. Il en restitue le contexte et la postérité – depuis son réinvestissement implicite dans le “romantisme allemand” (les frères Schlegel, puis Jean Paul) et l’idéalisme spéculatif (Schelling), jusqu’aux suites des problèmes soulevés par Walter Benjamin. Une seule question atteste la résonance contemporaine et “intempestive” de ces textes étranges : la nécessité d’une œuvre est-elle fonction de son effacement paradoxal, à  force d’opacité inépuisable ?

Presses Universitaires de France, collection “Philosophie aujourd’hui”, 1995, 236 p.



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